Présentation générale des débats tenus en septembre 1990 et mars 1991

Une certaine idée de l'Europe

Les conséquences de la guerre du Golfe

Bernard Laguerre

Le Cercle Condorcet, le Monde diplomatique et l'Evénément Européen ont organisé, en septembre 1990 et mars 1991, deux séminaires de réflexion*.

Prévus de longue date, ces deux séminaires devaient initialement traiter du même thème : "une certaine idée de l'Europe ". L'actualité en disposa autrement et la seconde rencontre, tenue au lendemain de la guerre du Golfe, fut essentiellement consacrée à celle-ci.

Les deux débats sont différents mais complémentaires, c'est pourquoi nous avons choisi de les publier ensemble mais de les distinguer ; ils relèvent du même effort de réflexion sur ce que pourraient être, dans le monde de demain, le sens, le rôle ou la mission de l Europe, et c'est pourquoi ils nous ont paru prendre naturellement place dans le cadre de ce numéro consacré aux défis de l'Europe.

C'est autour de ce concept même d'Europe, justement, que s'organisa la première rencontre. L'Europe, s'y demanda-t-on, n'est-elle aujourd'hui et ne sera-t-elle demain qu'un mécanisme institutionnel imposé par la géographie, le marché ou la stratégie, un instrument de commodité mis au service de nations irréductiblement étrangères, ou existe-t-il, au-delà et parfois en dépit des institutions, de cette " Europe terrestre " qu'est la Communauté, une "Europe céleste ", faite de libre volonté de faire et d'être ensemble ? Nul ne sait très bien, et les discours qui nous sont tenus en la matière balancent constamment, et de façon souvent frauduleuse, entre les deux interprétations : on nous parle d'Europe, mais à peine avons-nous acquiescé que celle-ci disparaît pour laisser place à la Communauté. C'est tromperie sur la marchandise. Double tromperie au demeurant, dont nous ne faisons pas seuls les frais : quel que soit le bien-fondé des raisons que nous leur donnons, comment les Européens de l'Est pourraient-ils ne pas se sentir grugés du refus qui leur est opposé d'intégrer une Communauté qui se veut européenne ? Entre cette Communauté et l'Europe, il nous faudra bientôt choisir et dire haut et clair notre choix. Mais la décision est difficile. Car ne nous leurrons pas : nous ne construirons pas ensemble l'Europe et la Communauté.

De cette Europe ou de cette Communauté, enfin, que ferons-nous ? La question apparut au cours du premier débat; elle fut au cœur du second. L'Europe communautaire - appelons-la ainsi pour le moment- saura-t-elle affirmer sa spécificité et bâtir un mode de vie et de relation avec le monde original ou sera-t-elle un nord parmi les nords, avare d'elle-même plus qu'ouverte aux autres, riche de ses passés plus que de son présent ? Ecartelée entre l'Atlantique et la Méditerranée, le Sud et le grand large, le choix paraît encore aujourd'hui lui être laissé de devenir pont ou bastion. Mais à ne pas choisir, à ne pas s'affirmer, à se comporter à l'avenir comme elle se comporte aujourd'hui, en âne de Buridan déchiré par le doute, l'Europe risque fort de gâcher l'occasion qui lui est donnée de jouer un rôle dans le monde de demain. Nous sommes à la croisée des chemins ; l'histoire ne nous attendra pas.

* Le choix nous était laissé de résumer l'ensemble des débats, de les retranscrire intégralement ou de ne publier que les principales interventions. C'est cette dernière solution que nous avons finalement adoptée, étant entendu que le texte complet des débats rédigé par Madame Daussy et Monsieur Sradkine, rédacteurs au Sénat, est d'ores et déjà disponible auprès du Cercle Condorcet, 3, rue Récamier, 75007 Paris.

 

(c) Bernard Laguerre et l'Evénement européen, 1991

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