Où il sera question
d'Emmanuel Berl
Rappels
Emmanuel Berl est né le 2 août 1892 au Vésinet, dans le milieu de la haute bourgeoisie juive : son père est un industriel, sa mère appartient à une famille d'universitaires apparentée aux Bergson et aux Proust.
Après des études secondaires menées au lycée Carnot où il se lie avec Gaston Bergery, Emmanuel Berl suit la classe de rhétorique supérieure au lycée Condorcet puis entreprend des études de philosophie à la Sorbonne. Il rédige un mémoire sur Fénelon et le quiétisme.
Bien que pacifiste, Emmanuel Berl se laisse entraîner par la vague de l'été 14 et s'engage à la déclaration de guerre. Il passe trois mois au front, puis un an dans les tranchées, durant lequel il échange une abondante correspondance avec Marcel Proust. Il reçoit la Croix de guerre puis est, en 1917, réformé pour maladie respiratoire.
Au début des années 1920, il publie Recherches sur la nature de l'amour puis, sur l'impulsion de Pierre Drieu la Rochelle, qu'il rencontre en 1920, s'installe à Paris. Il s'y lie avec Louis Aragon, fréquente le groupe surréaliste et renoue avec son camarade Gaston Bergery.
De février à juillet 1927, Emmanuel Berl dirige avec Pierre Drieu la Rochelle un hebdomadaire d'idées consacré au malaise du temps et significativement intitulé Les derniers jours. Ce journal ne remportera pas un grand succès mais il attire l'attention de Léon Blum qui, désormais, suivra la carrière de Berl.
En 1928, Emmanuel Berl participe, aux côtés d'Edouard Berth, Pierre Mendès-France, Bertrand de Jouvenel et Marcel Déat, à la rédaction des Cahiers bleus, organe du "Parti républicain syndicaliste" que vient de fonder Georges Valois qui amorce alors son retour à la gauche. Cette même année, Emmanuel Berl fait la connaissance d'André Malraux et devient son ami. En 1929, il lui dédiera son premier livre important : Mort de la pensée bourgeoise, pamphlet brillant dans lequel Emmanuel Berl, quelques années avant le Paul Nizan des Chiens de garde, s'en prend à une culture qu'il juge périmée et à laquelle il oppose la vigueur d'un Zola ou d'un Malraux.
A partir de 1930, Emmanuel Berl se mêle de plus en plus de politique : il travaille à la rédaction du Monde d'Henri Barbusse et fait pendant un an des conférences contre le fascisme et la guerre. Il n'est cependant ni communiste, ni "compagnon de route" mais radical, dans la lignée d'Edouard Herriot qu'il connaît personnellement.
En 1932, Emmanuel Berl lance l'hebdomadaire Marianne (sur lequel on reviendra plus longuement). L'aventure durera jusqu'en 1937. Sitôt quittée la direction de ce journal, Berl créera un autre hebdomadaire, le Pavé de Paris, dont il assumera seul, jusqu'en 1940, la rédaction et la publication.
Arrive l'exode. Emmanuel Berl se réfugie dans le sud-ouest puis, le 17 juin (1940), il se fait appeler à Bordeaux où on lui demande de travailler aux discours du nouveau président du Conseil, le maréchal Pétain. C'est lui, de fait, qui rédigera les deux discours des 23 et 25 juin 1940 (on est encore, alors, dans la légalité) et qui trouvera les formules devenues célèbres (quoi que singulièrement creuses, à y bien réfléchir) : "Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal" et "La terre, elle, ne ment pas".
Cette collaboration dure quelques semaines. Mais Emmanuel Berl ayant vu la tournure que prenaient les choses, il quitte Vichy et s'en va, à Cannes, rejoindre son épouse Mireille, qu'il a épousée en 1937.
En juillet 1941, Emmanuel Berl et Mireille vont s'installer à Argentat, en Corrèze. Ils y sont rejoints, en 1941 et 1942, par Bertrand de Jouvenel, Jean Effel, André Malraux et Josette Clotis. C'est une retraite studieuse durant laquelle Berl rédige son Histoire de l'Europe et André Malraux sa Psychologie de l'Art.
Après la guerre, Emmanuel Berl quitte la vie politique pour se consacrer à la littérature. Il rédige quelques livres de souvenirs (Sylvia, Présence des morts) et quelques essais historiques et politiques. En 1967, l'Académie française lui décernera son Grand prix de littérature.
Emmanuel Berl est mort le 22 septembre 1976. Mireille, son épouse, vingt ans plus tard, en 1996.
© Bernard Laguerre